Je pense que l’on peut appeler “art numérique” c’est tout art qui utilise le numérique comme support de création. L’art numérique est plus qu’un médium qu’autre chose, comme la peinture, et la sculpture… le numérique est un médium de plus. Je pense que tant que le support de création est numérique, quand bien même l’œuvre finale est un print ou est diffusé sur un autre support,, on est face à de l’art numérique. Dans la pratique, j’aime beaucoup l’art génératif , qui utilise le code. Pour moi l’art génératif est l’art numérique par excellence, du fait d’être un art très mathématique. La question qui vient après est celle de la valeur de l’art. Ce qui fait la valeur de l’art, c’est plus une question de concept ou d’intention derrière que de technique ou de résultat. On le voit dans les débats en ce moment autour de l’arc de triomphe. L’idée est essentielle.
Pendant mes études de design à L’École de design Nantes Atlantique, j’ai travaillé avec des professeurs qui avaient une activité artistique, et cela m’a peu à peu amené à en faire moi-même. Je ne pensais pas avoir de fibre artistique avant. Je me faisais une idée de l’artiste, face à son objet, extrayant de la matière une nouvelle forme, et je ne me sentais pas cette vocation. J’avais un côté plus matheux, plus cartésien, et en même temps mon intérêt se tournait toujours plus vers la conception que la programmation en tant que telle. La découverte de l’art numérique m’a ouvert de nouveaux horizons. Le numérique m’offrait de nouvelles possibilités d’interactions que je n’aurais pas soupçonnées.
Ground Movement , Benjamin Carrier
Ce que j’aime particulièrement c’est la création d’émotions permise par les nouveaux médias. J’ai écrit un mémoire sur l’interaction humain-robot, dans lequel je réfléchis beaucoup à cette question de l’émotion: le fait de lier l’émotion à un objet numérique m’a toujours fasciné. J’ai aussi fait un stage pendant mes études chez Lucion Média, une entreprise basée à Montréal qui crée des installations lumineuses et explore le côté très émotionnel suscité par ce genre d’art. Ces différentes de ma formation m’ont amené à chercher toujours l’émotion dans mon travail, et c’est je pense le pas décisif qui m’a conduit à l’art numérique.
J’utilise beaucoup Touch designer. C’est un logiciel de création que j’utilise autant pour mes installations que pour mes créations génératives. Il a un côté interactif que j’aime beaucoup. Pour la 3D j’utilise aussi Blender, et pour la 2D P5.js et Processing. Ce sont des outils relativement faciles à prendre en main, mais avec toujours de nouvelles possibilités à découvrir et apprivoiser pour explorer de nouvelles choses.
Après le lycée, j’ai d’abord fait 2 années d’études en classe préparatoire, avec des cours de code. J’ai tellement aimé ce cours, que j’ai même hésité à me diriger vers le développement logiciel. Mais je me suis rendu compte que ce qui me plaisait avant tout c’était plutôt les projets qu’il y avait derrière, la conception en elle-même C’est pour cela que je suis allé vers le design. J’avais peur au début, car je ne me sentais pas artiste. Et j’ai trouvé dans l’art numérique la réconciliation entre tout ce qui m’animait : le code, au service d’un projet.
Pixel Spill, Benjamin Carrier
Je pense que mon inspiration est encore très fondée sur l’univers mathématique. Je suis fasciné par les fractales. Je me rappelle avoir vu un documentaire quand j’étais petit sur le lien entre les fractales et la nature. J’aime cette correspondance entre le numérique et le biologique, j’aime le côté organique et la possibilité de reproduire des schémas qui ont l’air organiques sur un support numérique.
Et c’est cette frontière entre le monde physique et l’univers digital que j’explore dans mes créations.
En ce moment je travaille en freelance pour un collectif qui unit art visuels numérique et musique. Je suis en train de préparer des travaux en lien avec les musiques diffusées. A côté de ma production purement artistique, j’ai également mon travail en design à la Société des Arts Technologiques, et je travaille dans ce cadre avec d’autres artistes, ce qui me permet de toujours garder un pied dans l’art. J’aime aussi beaucoup travailler sur les rendus temps réel, qui permettent une plus grande interaction avec l’œuvre.
Meta Cubes, Benjamin Carrier
Je ne sais pas si j’ai une œuvre coup de cœur mais il y a un projet que j’ai particulièrement apprécié. Pendant le premier confinement, je me suis proposé de faire tous les jours une œuvre et cela m’a mis une contrainte qui a stimulé ma création. J’ai fait au total 55 œuvres, en en faisant une par jour. J’ai beaucoup progressé comme cela, et j’ai cherché de nouvelles inspirations.Parfois elles se ressemblent beaucoup d’un jour l’autre, d’autres fois, on voit que l’inspiration est neuve. De cette série j’aime particulièrement la numéro 17, une sorte de paysage animé de prismes blancss. J’ai vraiment beaucoup aimé cette contrainte du travail en série… peut-être que je me la donnerai à nouveau, pour un calendrier de l’Avent, ou, qui sait, pour un prochain confinement !