De tout temps, l’artiste s’est emparé des outils qui l’entouraient pour questionner son rapport au monde. Toujours à l’avant-garde, il s’approprie les média qu’il a à sa disposition pour nous faire part de sa réflexion critique sur son époque. En ce sens, l’art a une vocation d’explorateur des nouveaux possibles. Il est le miroir des aspirations d’une époque et renvoie le spectateur à ses propres interrogations face aux changements qu’il observe.
Le passage de l’ère industrielle à l’ère du numérique a donc tout naturellement représenté un changement de paradigme radical dans la production artistique. Les artistes explorent les liens entre art et technologie, donnant naissance à ce qu’on appellera l’art numérique, l’art cybernétique ou encore l’art par ordinateur.
Dès le début des années 50, Ben Laposky, un artiste et ingénieur américain, se met à photographier les ondes sinusoïdales produites par un oscilloscope combiné à divers circuits électriques. Il parle de « compositions électriques » pour décrire cet art abstrait. Laposky s’intéressait à montrer des motifs générés à partir de forces physiques ou de principes mathématiques et comparait les formes obtenues à des musiques visuelles.
« Les abstractions, comme nous l’avons montré, sont créées par des ondes électriques, tout comme la musique se compose d’ondes sonores. Les motifs sont abstraits et mathématiques, tout comme la musique est, pour une très large part, abstraite et mathématique. » Ben F. Laposky, Electronic Abstracts. Art for the Space Age, dans Proceeding of the Iowa Academy of Science.
À partir de 1963, le magazine américain Computers and Automation commence à organiser des concours d’art numérique. Ils s’intéressent aux œuvres réalisées à l’aide de programmes et de formules mathématiques et exécutées sur des ordinateurs.
Mais ce n’est qu’en 1968, après de nombreuses années d’exploration, qu’a lieu la première exposition dédiée à l’art numérique à Londres : Cybernetic Serendipity. Cette exposition organisée par l’Institute of Contemporary Arts a fait émerger des artistes précurseurs du domaine comme Gordon Pask, Bruce Lacey ou encore Peter Zinovieff. Cet évènement attire 40 000 visiteurs et donne naissance au groupe britannique Computer Art Society qui continue d’explorer les interactions entre art et technologies. Cybernectic Serendipity marque la consécration de l’art numérique, aussi bien auprès du grand public qu’auprès des institutions.
Dans l’introduction du catalogue, Jasia Reichardt, la curatrice de l’exposition, écrit : « Cybernetic Serendipity est une exposition internationale explorant et démontrant certaines des relations entre la technologie et la créativité… Le but de cette exposition est de présenter un domaine d’activité qui manifeste l’implication des artistes dans la science, et celle des scientifiques dans les arts ».
En 1979 a lieu la première édition du Festival Ars Electronica, un festival autrichien dédié à la promotion de la création numérique. Ce festival a lieu tous les ans depuis 1986 et est aujourd’hui considéré comme le plus important festival d’art numérique. “Dès le départ, il ne s’agissait pas d’une euphorie future naïve ou d’un enthousiasme pour la technologie, mais plutôt d’un accès critique, en examinant uniquement les effets sociaux de la technologie.” expliquait Andreas J. Hirsch à l’occasion de la sortie du livre créé l’avenir publié pour les 40 ans de l’exposition en 2019.
Depuis, les festivals sont les lieux d’exposition par excellence de l’art numérique. Les festivals s’intéressent depuis longtemps aux pratiques artistiques émergentes et attirent généralement un public plus réceptif aux créations artistiques issues de la culture numérique. En plus de jouer le rôle d’espace de diffusion, les festivals peuvent faire office de structure de production d’œuvres numériques et les rendre accessibles au grand public. Le Guide des festivals numériques rédigé par Anne-Cécile Worms et publié par Musiques et Cultures Digitales recense en 2012 pas moins de 437 festivals dans son panorama international. Pour n’en citer que trois, nous mentionnerons le festival Elektra de Montréal, organisé chaque année depuis 1999 ; le Japan Media Arts Festival de Tokyo, créé en 1997 ; ou encore les bains numériques, organisés une année sur deux à Enghien-les-Bains. Un panorama plus complet suivra dans un prochain article !
Années après années, ces événements rassemblent de plus en plus de personnes, ce qui témoigne d’un réel intérêt de la part du public pour l’art numérique. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de créer ART POINT : la première galerie d’œuvres d’art numériques à destination des lieux fréquentés par le public. Nous souhaitons multiplier les opportunités de rencontre entre l’art numérique et son public. Rejoignez le mouvement !