Qui, de nos jours, n’a pas entendu parler de ChatGPT, de Midjourney ou simplement de l’incroyable potentiel de l’intelligence artificielle? Jadis thème récurrent de science-fiction, l’IA a fait une irruption fulgurante dans notre quotidien en 2022. Mais qu’en est-il de son impact sur l’art ? Dans cet article, nous explorons la manière dont l’IA a influencé et continue de révolutionner la création artistique
'Théâtre d'opéra spatial' est un tableau généré via Midjourney devenu sujet de controverse lorsqu'il remporte un concours annuel d'art dans le Colorado en 2022, devenant ainsi l'une des premières images générées par IA à remporter un prix. Cette victoire a suscité de vifs débats concernant le rôle de l'IA dans le domaine artistique et la création d'œuvres d'art.
L’émergence de l’intelligence artificielle s’est produite au cœur du XXe siècle. C’est avec le test de Turing, initié en 1950, que l’idée d’une machine capable de simuler le raisonnement humain a fait ses premières apparitions. Ce test soulevait une question essentielle : une machine peut-elle penser ?
La réponse à cette question a commencé à se dessiner en 1956, lors de la conférence de Dartmouth. C’est lors de cet événement que le terme "intelligence artificielle" a été officiellement introduit, marquant ainsi la naissance formelle de cette discipline. En 1959, le concept de "machine learning" a vu le jour, établissant le principe selon lequel une machine peut apprendre de ses erreurs et améliorer ses performances au fil du temps
Les débuts de l’IA dans l’art remontent aux années 1960, avec des artistes pionniers tels qu’Harold Cohen et ses œuvres générées par ordinateur via le programme. AARON. AARON était un programme de dessin qui utilisait des règles pour générer des compositions abstraites et des images figuratives. Les premières œuvres d’art de Cohen ont été créées en 1973 et ont été exposées pour la première fois en 1976.
Au fil des années, la technologie et le concept d’art algorithmique se développent, ouvrant de nouvelles perspectives pour les artistes. À cette époque, l’art IA fonctionne principalement grâce à des algorithmes prédéfinis et des règles écrites par des artistes et des programmeurs. Ces artistes devaient écrire du code détaillé spécifiant les règles esthétiques pour générer des œuvres d’art.
En 2014, Ian Goodfellow introduit les algorithmes GAN (Réseaux Antagonistes Génératifs): une avancée significative dans l’intelligence artificielle basée sur l’apprentissage automatique. Un premier réseau génère des imitations à partir d’un ensemble de données, tandis qu’un deuxième, le discriminateur, évalue ces imitations et les renvoie pour amélioration jusqu’à ce qu’elles soient convaincantes.
En 2018, faisant suite à ces innovations, l’œuvre "Portrait d’Edmond de Belamy" réalisée par le trio d’étudiants français Obvious, a été vendue chez Christie’s pour plus de 430 000 dollars. Cette première œuvre d’art générée par IA a été créée grâce à un GAN entraîné sur un ensemble de données de portraits historiques, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour les artistes utilisant l’IA dans leur travail et montrant que cette technologie est de plus en plus reconnue dans le monde de l’art.
Portrait d’Edmond de Belamy
En janvier 2021, OpenAI a lancé DALL-E, une IA révolutionnaire basée sur GPT-3, capable de générer des images à partir de descriptions textuelles. Cette technologie prompt-to-image transforme la manière dont les artistes et professionnels interagissent avec l’IA, permettant la création d’images innovantes à partir de simples instructions textuelles. Cette révolution facilite l’exploration d’idées artistiques complexes et trouve des applications pratiques dans la publicité, le design graphique, l’architecture et l’animation.
L’IA va-t-elle remplacer les artistes ? C’est une question qui peut se poser mais à laquelle tous nos artistes vous répondront par la négative. L’IA est un outil, au même titre que le pinceau ou les logiciels de création mais il ne remplace pas la vision de l’artiste. Au contraire, nombreux sont les artistes qui ont misé sur l’IA pour enrichir leur processus créatif. L’artiste se place comme un metteur en scène qui utilise le médium numérique pour démultiplier les possibilités de la création, et dépasser les limites de la créativité humaine.
L‘affirmation selon laquelle l‘art est créé par une machine est erronée : Le processus de création implique fortement l‘artiste. Dans le cadre de l’algorithme GAN (l’un des plus populaires) utilisé par Ivona Tau ou Obvious, l‘artiste choisit une collection d‘images pour alimenter l‘algorithme (pré-curation). Ces images sont ensuite ingérées par cet algorithme d‘IA génératif (que l’artiste peut également modifier à sa guise) qui essaie de recréer des imitations de celles-ci. Enfin, l‘artiste trie de nombreuses images de sortie pour créer une collection finale (post-curation).
Processus Créatif d‘ART basé sur un algorithme de GAN
REFIK ANADOL
Refik Anadol est un artiste et designer numérique turc qui utilise des techniques de traitement de données, d‘intelligence artificielle et de projection pour créer des installations artistiques immersives. Ses œuvres explorent la relation entre la mémoire, l‘architecture et le paysage urbain. Il a remporté de nombreux prix pour son travail et ses œuvres ont été exposées dans des institutions prestigieuses du monde entier, telles que le Museum of Contemporary Art de Los Angeles et le Centre Pompidou-Metz
Refik Anadol, Centre Pompidou-metz
SASHA STILES
Sasha Stiles est une poétesse, une artiste et une chercheuse en IA kalmouke américaine de première génération, largement reconnue comme une pionnière de la littérature générative et de l‘art du langage. Son travail primé fusionne des éléments de poésie, d‘art, de code, d‘IA, d‘humanités numériques et de créativité web3 pour sonder ce que signifie être humain dans une ère presque posthumaine.
IVONA TAU
Ivona Tau est une artiste générative IA originaire de Vilnius, en Lituanie, qui utilise les réseaux neuronaux comme moyen de communication dans la photographie expérimentale et la peinture en mouvement. Son but est de trouver et d‘évoquer des émotions à travers les outils de l‘intelligence artificielle, les rendant ainsi plus humains et accessibles. En transformant ses propres expériences capturées sur films analogiques et numériques, elle crée des souvenirs universels.
Son projet "Under the Waves" est l‘imagination programmée de notre monde balayé par la puissante force de la nature. Elle a entraîné un réseau neuronal sur deux collections représentant différents domaines visuels, puis l‘a laissé créer des connexions inexistantes entre les paysages nocturnes des villes et les marées océaniques en libre circulation, permettant ainsi à la machine d‘imaginer la transformation par elle-même, enrichie du puissant mouvement et du changement de concept. Cela provoque une conversation sur l‘imminence de la crise environnementale et les limitations de la race humaine face à des forces aussi fortes et opposées que l‘intelligence artificielle et la nature elle-même